8 femmes réunies en Forêt-Noire, dans un petit village allemand, grâce à la créativité et à la ténacité de 2 autres. Elles ne se connaissent pas, mais elles vont s’apprécier très fort et très vite. 3 petits jours suffiront. 3 petits jours d’écriture, de marche, de paysages fabuleux, de rires, de danses et de larmes. 3 jours dans une bulle saupoudrée de bienveillance, là, dans la canopée. 3 jours pour oublier, le reste de nos vies pour nous souvenir. Je vous raconte ce séjour Ecrire & Marcher organisé par Isabelle et Anne ?
Chaque séjour en Allemagne me marque d’une manière très singulière. Il y a eu Berlin en 2023. Cette année, il y a eu la Forêt-Noire. Pendant la première heure du séjour, assise à cette grande table, je me suis interrogée sur les raisons de ma présence ici. La dernière heure du séjour, j’ai conclu que je m’étais rarement sentie autant à ma place quelque part - cette grande table était devenue NOTRE table.
Laissez-moi vous raconter comment, en 3 jours, je suis passée de ce statut d’étrangère à ce doux sentiment de plénitude. Laissez-moi vous raconter la Forêt-Noire, ses courbes sensuelles, sa verticalité, ses sapins et ses mille nuances de vert. Laissez-moi vous raconter ces femmes, leurs forces, leurs fragilités, leurs talents, leur beauté, leur singularité, leur folie et notre complicité. Laissez-moi vous raconter les textes écrits et les paroles tues, ces mots à travers lesquels nous avons appris à nous connaître et à nous lier intimement.
Anne et Isabelle nous ont rassemblées à Sankt Peter, dans un hôtel luxueux, le Sonne, pour un séjour sous le signe de la créativité, de la nature et de la gourmandise ! Anne organisait des ateliers d’écriture le matin et Isabelle nous guidait sur les sentiers l’après-midi - le tout ponctué de repas gastronomiques et de conversations animées !
Après des semaines de blocage créatif (ma plume ne produisait plus rien de satisfaisant et mon envie de la sortir s’amenuisait) j’ai réussi à composer des textes qui m’ont rendue fière. Le talent d’Anne, c’est d’avoir su enrayer ce syndrome de la page blanche. Avec beaucoup de bienveillance et de patience, elle nous a guidées et inspirées en nous proposant des sujets en lien avec notre séjour : la nature, la forêt, la marche. Nos textes parlaient de chants d’oiseaux, de roitelet, de canopée, de tortue, d’arrêt de bus, de loup-garou, d’envie, de wifi, de chemin creux. Nous avons déposé nos mots assises dans une salle de réunion, adossées contre un arbre, installées sur un banc, allongées dans l’herbe. Nous les avons laissés couler et suivre leur chemin.
Le premier jour, intimidées, nous avons lu nos textes d’une voix fluette. Les jours suivants, nos voix se sont affirmées. Nous étions enchantées de lire nos écrits, nous savions qu’ils seraient accueillis avec douceur et déposés dans un cocon précieux - nos cœurs.
Le talent d’Isabelle, c’est de nous avoir fait aimer sa Forêt-Noire. Bon, il faut reconnaître qu’elle n’a pas eu besoin de fournir de gros efforts tant sa Forêt-Noire est aimable.
Amoureux de patrimoine ou de nature, il est impossible de ne pas être touché par la puissance de ces lieux magiques et chargés d’histoire, par la majesté de ces vastes étendues naturelles, par le charme de ces villages authentiques. Isabelle a attiré notre attention sur les spécificités de cette région : sur ces fermes immenses dans lesquelles vivent des familles entières, sur ces petites chapelles qui leur appartiennent. Avec enthousiasme, elle nous a raconté l’histoire et la géographie de la Forêt-Noire, elle nous a conduits en ses lieux secrets et sacrés. Avec humilité et respect, elle nous a transmis son émotion et son attachement pour ce territoire qu’elle chérit tant.
Au cœur de ces paysages aux mille nuances de vert et de jaune, je me suis sentie ancrée. Ancrée au sol, ancrée à la Forêt-Noire, ancrée à la vie. J’ai été séduite par les courbes sensuelles des vallées, par le calme qui apaise l’esprit, par les couleurs et par les lumières délicates qui s’immisçaient entre les branches des sapins. De temps à autre, des promeneurs passaient. Ils parlaient en allemand et leur langue se confondait avec le chant des oiseaux. Ici, ça vit. Une vie brute et poétique. Ici, ça parle fort et ça se tait fort. La présence humaine se mêle avec respect à la nature, créant une symphonie joliment orchestrée où chaque élément trouve sa place.
Prenez 10 femmes puissantes,
mélangez-les dans un grand récipient avec des pissenlits et des aiguilles de sapins,
ajoutez une bonne dose de rire et de créativité, un zeste de gourmandise, saupoudrez avec un soupçon de sport,
laissez infuser 3 jours,
voici la recette d’un séjour parfait en Forêt-Noire.
[1]
S’enforester c’est...
avancer dans le clair-obscur,
observer écouter respirer goûter et aimer la vie,
effleurer, du bout des doigts, la vérité,
s’enforester c’est s’émerveiller, retrouver les plaisirs et les sensations rassurantes de l’enfance – se salir avec insouciance, évoluer entre les branchages avec légèreté, s’allonger au sol un brin d’herbe glissé entre les dents, sentir le contact humide et frais de la mousse à travers le tissu,
s’enforester c’est découvrir un monde vertigineux et grandiose, un univers riche, parfois effervescent, parfois timide,
c’est trouver un abri, un refuge sous les arbres et tisser des liens invisibles avec le petit peuple de la forêt, c’est l’écouter chanter ramper sautiller, c’est le respecter et le comprendre, vivre ensemble une minute, une heure ou une journée,
s’enforester c’est communier avec le vivant, le vibrant, l’authentique,
s’enforester c’est trouver l’équilibre,
l’équilibre de l’âme,
et l’équilibre du corps.
[2]
J’avance sous la cime des arbres. Le vent caresse ma peau. J’inspire. J’expire. J’inspire. J’expire. Au rythme de mes pas. Une terre dense et humide s’accroche à mes chaussures. La boue s’accumule et mes jambes s’alourdissent un peu plus à chaque pas, mais mon souffle, lui, s’allège. Ici, je respire enfin. Je ralentis. J’inspire. Profondément. Mes poumons se gonflent d’un air salvateur. J’expire. Longuement. J’expulse mes frustrations. Je repars et j’avance, bercée par le souffle du vent dans les arbres. J’inspire. J’expire.
[3]
J’aurai 35 ans le mois prochain. J’en ai parcouru, du chemin. Des chemins sinueux, des chemins escarpés, des chemins semés d’embuches – j’ai traversé des ronces, enjambé des troncs d’arbres, sauté dans des flaques boueuses, goûté des baies qui m’ont donné la nausée. J’ai emprunté des chemins dans l’ombre et d’autres dans la lumière. Des chemins larges, des chemins étroits. Des chemins qui montent et des chemins qui descendent. Je suis tombée, j’ai troué mes vêtements et écorché mes genoux. Puis j’ai saisi des mains tendues et je me suis relevée. J’ai posé des pansements sur mes bleus et j’ai poursuivi ma route. J’ignore tout du chemin qu’il me reste à parcourir, mais je sais qu’il sera plus doux désormais, car nous marchons ensemble.